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L’experience

« Cinq touristes (un Sud-Africain, une Russe, un Espagnol, un Français et moi, sûrement la seule Bosnienne au Cambodge) à vélo au bord du Mékong, sur deux jours. Nous traversons des villages « isolés » en tous cas des villages où les touristes vont très rarement si ce n’est jamais. Les Cambodgiens sont très chaleureux et accueillants, tous les villageois nous disent bonjour avec de grands sourires, les enfants courent derrière nous… Nous avons tous très mal aux mâchoires à force de sourire mais la joie est immense. Nous nous prêtons volontiers à leur jeu et répondons encore plus à leurs «HELLO».

Faire du vélo sur des routes boueuses avec un millier de nids de poules est assez fatiguant, on a vite faim. Seulement voilà, le Cambodge est un pays pauvre, dès qu’on sort des circuits touristiques il est difficile de trouver un « restaurant ». Après une heure ou deux nous croisons un lieu qui y ressemble. On demande si on peut manger et on nous répond que oui. On pense passer notre commande mais finalement on nous sert la même chose que tout le monde. On est bien content de manger enfin!!! Pendant le repas nous observons nos voisins de table et nous nous interrogeons car tout le monde est plus ou moins ivres… Il n’y a pas de femmes ni d’enfants, que des hommes.

A la fin du repas on demande à régler l’addition, et là un monsieur, que nous n’avions pas vu auparavant, s’assoit à notre table et d’une voix triste nous dit en anglais : « Please go, my wife is dead today. No don’t pay, just please go* ». Nous sommes tous sous le choc! Est-ce que nous avons bien compris ? Est-ce qu’il a utilisé les bons mots en anglais ? Que doit-on faire dans ces cas là dans un pays qu’on connaît à peine?… Tous couverts de honte, on ne trouve pas d’autres mots que « Sorry » et on part au plus vite. Je crois que certains parmi nous laisse un peu d’argent, moi je ne me sens pas à ma place, je me sens tellement mal que je ne sais que faire si ce n’est me mettre sur mon vélo et pédaler. Je me retourne et voit un drap blanc découpé en forme de silhouette humaine accrochée en hauteur, comme un drapeau… est ce que cela veut dire que la maison était en deuil ? »

* S’il vous plaît partez, ma femme est morte aujourd’hui. Non ne payez rien, juste partez.

Lieu Kratie, Cambodge

Date 2012

Qui raconte

Arnela est une jeune bosnienne, naturalisée française pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Elle fait un tour de l’Asie du sud-est avec son mari français en 2012. Courageuse et naturelle, Arnela pose ici la question des rites mortuaires dans différentes cultures.

T’en penses quoi?

Davin Vann, cambodgienne de 27 ans qui travaille dans une entreprise française à Phnom Penh (Cambodge) nous explique:

« Ce drap blanc est appelé tongprolay, ទង់ព្រលឹង (drapeau de l’âme). C’est un drapeau qui symbolise l’enterrement, il signifie que quelqu’un est mort dans la famille. Ils laissent ce drapeau devant la maison pendant sept jours parce que l’enterrement a lieu le septième jour. Après le septième jour, ils enlèvent le drap blanc qui représente le défunt et l’emmène à la pagode pour que les moines prient pour son âme.

Dans la tradition cambodgienne, après 100 jours puis après 3 ans, la famille se réunit de nouveau en mémoire de la personne décédée. »